Corrigé Epreuve 2000 : Spécificités de la réflexion philosophique

Position du problème : Quelle est la meilleure attitude que l’homme dit adopter vis-à-vis de soi, du monde et des autres ? Question ne peut être plus au cœur de la philosophie si l’on sait que l’homme a horreur de l’inconnu. Débusquer l’inconnu nécessite-t-il que l’on doute seulement ou que l’on ne doute pas du tout ? Ou encore que l’on croit à ce qui appelle la croyance de la foi ? « Douter de tout » et « tout croire » ne sont-ce pas des formes de démission de la pensée et donc un refus de réfléchir ? La réflexion, qui est la marque distinctive de l’homme, n’est-elle pas la médiane entre ces deux extrémismes qui, au fond, en constituent justement les obstacles heuristiques ?

Plan de développement :

  • Hypothèse 1 : douter de tout n’est pas réfléchir.
  • Argument 1 : qu’est-ce que douter ? Douter c’est suspendre son jugement pour éviter l’erreur. Il s’agit précisément de tout mettre en époché avant de procéder à la recherche pour arriver à une conclusion. (cf. deuxième partie du Discours de la Méthode de Descartes : désormais rien ne sera accepté comme vrai tant qu’on ne réussira pas à le démontrer ainsi). Donc le doute implique la patience, un esprit de méthode et de persévérance pour la trouvaille de la vérité. 
    Exemple : les quatre règles cartésiennes : l’évidence, l’analyse, la synthèse, le dénombrement. 
    Il s’agit ici d’un renversement de toutes les sciences acceptées jusqu’à maintenant avant de les refonder dit Husserl.
  • Argument 2 : apparence, doute et réalité. 
    Le réel n’est jamais ce que l’on croit, voit, sent, ressent, perçoit. Il est caché et nécessite une recherche critique, approfondie. Aussi, permet-il à la fois d’échapper à l’erreur banale et de s’approcher du réel, de la vérité. Le doute est donc dé-voilement.
  • Argument 3 : douter de tout est scepticisme ou folie. Si douter permet d’éviter l’erreur, est-ce une raison pour douter de tout ? Autrement dit, ne rien accepter comme vrai, évident, certain parce que la vérité n’existerait pas. (cf. Démocrite : « la vérité est au fond du puits » parce que « la vie est un théâtre ». Cf. Protagoras : « l’homme est la mesure de toute chose », Pyrrhon : « aucune vérité n’existe, les choses ne sont que ce qu’on en fait »). _* Descartes considère les sceptiques comme des fous pour cela. Mais si « douter de tout » est aux antipodes de la vérité, « tout croire » ne semble pas être la meilleure solution.
  • Hypothèse 2 : Tout croire n’est pas réfléchir.
  • Argument 1 : qu’est-ce que croire ? Croire c’est adhérer, s’attacher à quelque chose sans critique, sans recul. La croyance porte sur le merveilleux, le fascinant, le stupéfiant. Il est de l’ordre du mystère et de l’énigme. (Cf. les penseurs avant l’avènement de la philosophie au VI ème siècle avant J.C., Jean-Pierre Vernant). N’étant pas apte à conduire la raison pour comprendre, on met en avant le surnaturel, « le sentiment du divin ». (Cf. Pascal pour qui Dieu ne se sait que par la foi.
  • Argument 2 : tout croire est une naïveté dogmatique. Tout croire c’est la foi du charbonnier qui est une foi aveugle. Cette foi récuse tout usage de la raison. Tout croire est, à la vérité, ce que douter de tout est à cette même vérité. C’est une attitude paresseuse qui refuse l’effort minimal pour découvrir la vérité. C’est une attitude qui est à la limite de la bestialité, de la pro-to humanité. Tout croire n’est même pas digne d’un être humain. La religion elle-même n’en veut pas (cf. textes sacrés), encore moins la philosophie et la science.
  • Hypothèse 3 : l’idéal est de réfléchir de manière critique.
  • Argument 1 : Qu’est-ce que réfléchir ? Réfléchir c’est partir de soi pour revenir à soi en vue de chercher quelque chose. C’est un face-à-face entre Moi et Moi, la pensée et la pensée, l’âme et l’âme, et qui dialoguent. (Cf. Platon in Théétète, Philèbe et Sophiste). Par conséquent c’est penser c’est-à-dire « peser, balancer, calculer », dit Condillac. La finalité est de distinguer le vrai du faux, identifier le vrai. Selon Alain, « penser c’est dire non », « réfléchir c’est ce que l’on sait » (Cf. Propos, 1924)
  • Argument 2 : le doute heuristique comme réflexion. Douter c’est réfléchir si l’on ne cède pas à l’extrémisme sceptique (exemple : le doute cartésien).
  • Argument 3 : une croyance réfléchie est possible. Une croyance non précédée de réflexion est un aveuglement, la marque d’un esprit faible. Pour bien croire, il faut comprendre ; donc réfléchir pour savoir. (Cf. Saint Augustin).

Conclusion

Pourquoi doute t-on ? Pourquoi croit-on ? Pourquoi réfléchit- t-on ? C’est pour connaître, comprendre, découvrir la vérité. Si on doute de tout, on a déjà dit que la vérité n’existe pas. Si on croit tout, on a déjà abandonné la recherche. Réfléchir est la meilleure manière. Encore faudrait-il qu’elle soit critique et soit animée d’une patience et d’une persévérance sisyphéennes, ainsi que d’un courage prométhéen dans un monde globalisé qui va en s’accélérant dans un monde d’illusions.

OIF
RESAFAD

EXAMEN.SN V2.0 © RESAFAD SENEGAL Creative Commons License - Avenue Bourguiba x rue 14 Castors, Dakar (Sénégal) - Tél/Fax : +221 33864 62 33