2002 : Une culture du devenir

 
Une culture du devenir.

Les colloques, les séminaires et les tables rondes sur la négritude, l’arabité, la culture nationale, la culture et le développement se succèdent et se ressemblent. Ils posent tous, en termes à peine différents, la même question, à laquelle il n’est point aisé d’apporter une réponse satisfaisante : comment changer en demeurant identique à soi-même ? 
André Salifou, jeune historien africain, spécialiste du Niger du XIXe siècle, aime à raconter cette histoire du sultan de Zinder qui s’étonnait de la contestation dont il était l’objet de la part des jeunes et qui ne cessait de répéter : « Mais qu’est-ce que je leur ai fait à ces jeunes ? Je reste pourtant ici, tranquille, assis sur mon sofa ! » car, précisément, le fait qu’il incarne l’anachronisme révoltait les jeunes. 
Pourtant, ce sont ces jeunes qui sont les premiers à revendiquer un développement sauvegardant l’authenticité nationale, comme élément constitutif et inaliénable de la personnalité de chacun autant que de celle de la communauté. 
Aux antipodes du Niger, par deux fois en Chine, il a fallu démolir les structures d’une culture dominante pour engager le processus du changement : d’abord, au moment de la victoire communiste ; ensuite, lors de la révolution culturelle. Et c’est la Chine que l’on cite le plus souvent comme exemple de progrès sans aliénation à l’Occident. 
Le Japon, quoique plus complexe, est également à l’honneur dans les citations. Toutefois, dans un cas comme dans l’autre, une certaine culture, ou une partie du patrimoine national, est sacrifiée au bénéfice d’une typologie sociale censée favoriser davantage le progrès matériel et la promotion de l’homme. 
Il est remarquable de voir à quel point ce thème permanent suscite les mêmes réactions et les mêmes prises de position : du passéisme le plus rétrograde au divorce le plus aliénant, en passant par toutes sortes de recettes qui s’apparentent davantage aux plates-formes électorales qu’à la définition d’une démarche. 
Peut-être la difficulté réside-t-elle dans la question posée, à laquelle ne peut apporter de réponse l’esquisse d’un socialisme islamique ou d’une collectivisation non marxiste. 
Dans l’ambiance de l’effritement continu des valeurs héritées, il n’est pas facile de se situer par rapport aux actes. Le traditionnel « Qui suis-je ? » des philosophes est, dans bien des cas, en train de céder la place au « Que vais-je devenir ? » du citoyen Lambda. 
A la limite, on peut toujours vivre et mourir sans savoir qui l’on est, tant il est vrai que l’identité sert surtout aux autres pour savoir qui nous sommes. 
Dans le tourbillon qui nous saisit, il apparaît de plus en plus urgent de laisser éclore une culture du devenir que de s’enivrer d’une culture de l’identité. 

              Habib BOULARES. J.A n° 776 du 21.11.1975.

 

1. Résumez ce texte au quart de sa longueur, soit environ 120 mots. Une marge de tolérance de 10 % en plus ou en moins vous est accordée. 

2. Discussion : L’Afrique peut-elle se développer sans renoncer à une partie de son identité culturelle ? Autrement dit, « Comment changer en demeurant identique à soi-même ? »

 

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