2005 : Les soleils des Indépendances (Kourouma)

 

Les choses blanchissaient avec le matin, tout se redécouvrait. Fama regardait la concession et ne se rassasiait pas de la contempler, de l’estimer. Comme héritage, rien de pulpeux, rien de lourd, rien de gras. Même une poule épatée pouvait faire le tour du tout. Huit cases debout, debout seulement, avec des murs fendillés du toit au sol, le chaume noir et vieux de cinq ans. Beaucoup à pétrir et à couvrir avant le gros de l’hivernage. L’étable d’en face vide ; la grande case commune, où étaient mis à l’attache les chevaux, ne se souvenait même plus de l’odeur du pissat. Entre les deux, la petite case des cabrins qui contenait pour tout et tout : trois bouquetins, deux chèvres et un chevreau faméliques et puants destinés à être égorgés aux fétiches de Balla. En fait d’humains, peu de bras travailleurs. Quatre hommes dont deux vieillards, neuf femmes dont sept vieillottes refusant de mourir. Deux cultivateurs ! Jamais deux laboureurs n’ont assez de reins pour remplir quatorze mangeurs, hivernage et harmattan ! Et les impôts, les cotisations du parti unique et toutes les autres contributions monétaires et bâtardes de l’indépendance, d’où les tirer ? En vérité Fama ne tenait pas sur du réel, du solide, du définitif...

Ahmadou KourournaLes Soleils des Indépendances}, Ed. du Seuil, 1970, pp 106-107.

 

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