1994 : Défendre la nature

 

Pendant un très long temps, l’idée ne pouvait même venir à l’homme qu’il eût à user de ménagements envers la nature, tant celle-ci lui apparaissait hors de proportion avec les effets qu’il était capable d’exercer sur elle. Mais voilà que, depuis quelques décennies, la situation se retourne... Par suite de la prolifération effrénée des êtres humains, par suite de l’extension des besoins et des appétits qu’entraîne cette surpopulation, par suite de l’énormité des .pouvoirs qui découlent du progrès des sciences et des techniques, l’homme est en passe de devenir, pour la géante nature, un adversaire qui n’est rien moins que négligeable, soit qu’il menace d’en épuiser les ressources, soit qu’il introduise en elle des causes de détérioration et de déséquilibre.

Désormais l’homme s’avise que, dans son propre intérêt, bien entendu il lui faut surveiller, contrôler sa conduite envers la nature, et souvent protéger celle-ci contre lui-même. Ce souci, ce devoir de sauvegarder la nature, on en parle beaucoup à l’heure présente ; et ce ne sont plus seulement les naturalistes qui en rappellent la nécessité ; il s’impose à l’attention des hygiénistes, des médecins, des sociologues, des économistes, des spécialistes de la prospective, et plus généralement de tous ceux qui s’intéressent à l’avenir de la condition humaine...

Multiples sont, de vrai, les motifs que nous avons de protéger la nature. Et d’abord, en défendant la nature, l’homme défend l’homme ; il satisfait à l’instinct de conservation de l’espèce. Les innombrables agressions dont il se rend coupable envers le milieu naturel -envers « l’environnement », comme on prend coutume de dire - ne vont pas sans avoir des conséquences funestes pour sa santé et pour l’intégrité de son patrimoine héréditaire.

Protéger la nature, c’est donc, en premier lieu, accomplir une tâche d’hygiène planétaire. Mais il y a, en outre, le point de vue, plus intellectuel mais fort estimable, des biologistes qui, soucieux de la nature pour elle-même, n’admettent pas que tant d’espèces vivantes - irremplaçable objet d’études - s’effacent de la faune et de la flore terrestre, et qu’ainsi, peu à peu, s’appauvrisse, par la faute de l’homme, le somptueux et fascinant Musée que la planète offrait à nos curiosités.

Enfin, il y a ceux-là - et ce sont les artistes , les poètes , et donc un peu tout le monde - qui, simples amoureux de la nature, entendent la conserver parce qu’ils y voient un décor vivant, vivifiant, un lien maintenu avec la plénitude originelle, un refuge de paix et de vérité – « l’asile vert cherché par tous les cœurs déçus » - parce que, dans un monde envahi par la pierraille et la ferraille, ils prennent le parti de l’arbre contre le béton, et ne se résignent pas à voir les printemps silencieux...

Certes, défendre la nature sur tous les fronts est chose malaisée, car on se heurte à l’indifférence, à l’ignorance, au scepticisme ; et surtout l’on a contre soi, plus ou moins ouvertement, tous ceux qui donnent aux convoitises personnelles le pas sur l’intérêt commun, tous ceux qui, prêts à compromettre le futur pour un avantage immédiat, ne font pas objection au déluge pourvu qu’ils ne soient plus là pour y assister.

 

             Edouard BONNEFOUS, L’Homme ou la nature ? (1974)

 

  1. Résumez le texte en 140 mots ; une tolérance de 10 % en plus ou en moins est admise. Vous préciserez le nombre de mots utilisés,
  2. En vous appuyant sur des exemples précis, justifiez cette affirmation d’Edouard BONNEFOUS « Et d’abord, en défendant la nature, l’homme défend l’homme ». S’agit-il vraiment d’une priorité vitale pour l’espèce humaine ? La protection de l’ordre naturel ne peut-elle être compatible avec la notion de progrès ? Faites, éventuellement à partir de votre expérience personnelle, des propositions concrètes pour maintenir l’équilibre entre 1’homme et son environnement.

 

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