2016

 

SUJET I : RESUME DISCUSSION

Il arrive qu’un écrivain du XXIème siècle se sente, par moments, prisonnier de son temps et que la lecture des grands romanciers du XIXème siècle – Balzac, Dickens, Tolstoï, Dostoïevski – lui inspire une certaine nostalgie. A cette époque-là, le temps s’écoulait d’une manière plus lente qu'aujourd'hui et cette lenteur s’accordait au travail du romancier car il pouvait mieux concentrer son énergie et son attention. Depuis, le temps s’est accéléré et avance par saccades, ce qui explique la différence entre les grands massifs romanesques du passé, aux architectures de cathédrales, et les oeuvres discontinues et morcelées d’aujourd'hui. Dans cette perspective, j’appartiens à une génération intermédiaire et je serais curieux de savoir comment les générations suivantes qui sont nées avec l’internet, le portable, les mails et les tweets exprimeront par la littérature ce monde auquel chacun est «connecté» en permanence et où les «réseaux sociaux» entament la part d’intimité et de secret qui était encore notre bien jusqu'à une époque récente – le secret qui donnait de la profondeur aux personnes et pouvait être un grand thème romanesque. Mais je veux rester optimiste concernant l’avenir de la littérature et je suis persuadé que les écrivains du futur assureront la relève comme l’a fait chaque génération depuis Homère…

Et d’ailleurs, un écrivain, comme tout autre artiste, a beau être lié à son époque de manière si étroite qu’il n’y échappe pas et que le seul air qu’il respire, c’est ce qu’on appelle «l’air du temps», il exprime toujours dans ses oeuvres quelque chose d’intemporel. Dans les mises en scène des pièces de Racine ou de Shakespeare, peu importe que les personnages soient vêtus à l’antique ou qu’un metteur en scène veuille les habiller en bluejeans et en veste de cuir. Ce sont des détails sans importance. […]

En définitive, à quelle distance exacte se tient un romancier ? En marge de la vie pour la décrire, car si vous êtes plongé en elle – dans l’action – vous en avez une image confuse. Mais cette légère distance n’empêche pas le pouvoir d’identification qui est le sien vis-à-vis de ses personnages et celles et ceux qui les ont inspirés dans la vie réelle. Flaubert a dit : «Madame Bovary, c’est moi». Cet état second est le contraire du narcissisme car il suppose à la fois un oubli de soi-même et une très forte concentration, afin d’être réceptif au moindre détail. Cela suppose aussi une certaine solitude. Elle n’est pas un repli sur soi-même, mais elle permet d’atteindre à un degré d’attention et d’hyper-lucidité vis-à-vis du monde extérieur pour le transposer dans un roman.

                                                Patrick Modiano,

                                                Discours de Réception du Prix Nobel de littérature 2015

 

RESUME : Résumez ce texte au ¼ de sa longueur (soit 115 mots). Une marge de tolérance de 10 mots en plus ou en moins vous est accordée.

DISCUSSION : Pensez-vous, comme l’auteur, que l’écrivain soit obligé de se tenir « en marge de la vie pour la décrire » ?

 


SUJET II : COMMENTAIRE

 

       Le crépuscule du soir

Le jour tombe. Un grand apaisement se fait dans les pauvres esprits fatigués du labeur de la journée ; et leurs pensées prennent maintenant les couleurs tendres et indécises du crépuscule.

        Cependant du haut de la montagne arrive à mon balcon, à travers les nues transparentes du soir, un grand hurlement, composé d’une foule de cris discordants, que l’espace transforme en une lugubre harmonie, comme celle de la marée qui monte ou d’une tempête qui s’éveille.

        Quels sont les infortunés que le soir ne calme pas, et qui prennent, comme les hiboux, la venue de la nuit pour un signal de sabbat1 ? Cette sinistre ululation2 nous arrive du noir hospice3 perché sur la montagne ; et le soir en fumant et en contemplant le repos de l’immense vallée, hérissée de maisons dont chaque fenêtre dit : « C’est ici la paix maintenant- ; c’est ici la joie de la famille ! » je puis, quand le vent souffle de là-haut, bercer ma pensée étonnée à cette imitation des harmonies de l’enfer.

        Le crépuscule excite les fous. […]

        La nuit, qui mettait ses ténèbres dans leur esprit, fait la lumière dans le mien ; et, bien qu’il ne soit pas rare de voir la même cause engendrer deux effets contraires, j’en suis toujours comme intrigué et alarmé.
        Ô nuit ! Ô rafraîchissante ténèbres ! Vous êtes pour moi le signal d’une fête intérieure, vous êtes la délivrance d’une angoisse ! Dans la solitude des plaines, dans les labyrinthes pierreux d’une capitale, scintillement des étoiles, explosion des lanternes, vous êtes le feu d’artifice de la déesse Liberté !

                                 Charles BAUDELAIRE, Petits poèmes en prose, Ch. XXIL.

1- Danse frénétique dans une atmosphère bruyante.

2- Terme qui désigne le cri du hibou, (de la chouette)

3- Il s’agit d’un asile de fous.

Consigne :

Vous ferez de ce texte un commentaire suivi ou composé.
Dans le cadre d’un commentaire composé, vous pourrez par exemple, montrer comment de manière symbolique, l’auteur traduit les contrastes de la vie nocturne, source d’agitation pour les uns et d’apaisement pour les autres.

 

SUJET III : DISSERTATION

La lecture des oeuvres littéraires suscite un double sentiment : de l’inquiétude car elles ne montrent que le dérèglement de la société, mais aussi de l’espoir étant entendu que l’écrivain est animé, dans ce cas, du désir d’améliorer les choses. En vous fondant sur les différentes oeuvres littéraires que vous avez lues, dites-si vous partagez cette impression.

 

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