1996 : Poète et ingénieur

 

L’art est en train de remplacer la Religion. Je ne préconise pas ce changement : je le constate. Il est naturel que, dans une Europe qui se déchristianise à pas de géant, en partie, parce la religion a cessé d’être une œuvre d’art, les hommes se tournent vers l’art. C’est que celui-ci est resté le suprême recours. Nous élevant au dessus de notre condition humaine, l’art nous met en relation directe, en communion avec l’univers et, au centre de celui-ci avec l’être, pour parler comme Martin Heidegger. Qu’on l’appelle Dieu ou d’un autre nom, peu importe. Ce qui importe. Ce qui importe, c’est que cette connaissance-communion, qui nous unit à l’Etre intégral, engage, tout notre moi : nos deux raisons, l’intuitive comme la discursive. mais encore notre sentir et notre vouloir, bref, notre corps et notre âme, tous deux confondus.

La Civilisation des Loisirs provoquera la révolution qu’on annonçait déjà, au milieu du siècle, pour l’an 2001. Les micro-ordinateurs et les machines-outils, dont les robots, auront été poussés à leur perfection, allongeront les loisirs, même pour les travailleurs ruraux. C’est dire que vous autres, ingénieurs et autres techniciens, ne serez pas au bout de votre peine : de votre fonction d’inventeurs. Il vous faudra révolutionner, non peut-être pas l’art mais les conditions de la création artistique et de la participation à la vie de l’ œuvre d’art, comme le faisaient les Chrétiens, autrefois, à la célébration des cérémonies religieuses . Je songe à la révolution des musées, des théâtres, des salles de musique et de danse : à la révolution de leur architecture. et de leur fonctionnement. Je pense que toute notre vie sera une œuvre d’art : jusqu’aux repas, aux vêtements, à la vie familiale dans les maisons, jusqu’aux, sports, au tourisme, à la simple promenade dans un jardin public, sur un trottoir. Songez qu’il y a, aujourd’hui , des professeurs, et donc des ingénieurs, du design. C’est un bien vilain mot pour désigner une belle chose. Si j’en crois Jocelyn de Noblet d’Anglure, professeur de design à l’Université de Metz, c’est un « dessein », c’est dire un « projet », et un « dessin » , c’est à dire un « modèle ». Il s’agit, d’un mot et dans le domaine industriel, d’une science spécialisée, d’un ensemble, de techniques qui permettent, dans la construction d’une usine, d’une machine, d’un instrument de travail, de joindre l’efficacité à la beauté, l’ingéniosité à l’art. C’est dire qu’ici l’ingénieur revient aux nobles sources de sa fonction : il redevient un artisan habile, un savant et un artiste., d’un mot, un créateur, je dis, une fois de plus : un poète.

      Léopold Sédar SENGHOR Liberté 5 - PP. 126-127

 

Vous résumerez ce texte en 130 mots (plus ou moins 10 %).

Puis vous discuterez cette affirmation :

« II est naturel que, dans une Europe qui se déchristianise à pas de géant, en partie, parce que la religion a cessé d’être une œuvre d’art, les hommes se tournent vers l’Art ».

 

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